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Chronique de l'ébranlement - Image de couverture

Chronique de l'ébranlement

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Des tours de Manhattan aux jardins de l'Elysée - Préface de Régis Debray

L’idée de ce livre Chronique de l’ébranlement, le “concept” comme il est dit fort niaisement aujourd’hui, est assez simple : c’est la crise née le 11 septembre 2001. Pourquoi ne pas rassembler en un volume, sous forme d’une seule chronique, les diverses chroniques parues tous les quinze jours, depuis septembre 2001 ?

Le témoignage de De defensa est complété par un essai, qui est une tentative plus contrôlée, plus structurée de donner une appréciation générale de la crise qui nous frappe.

Résumé

Introduction - La règle du jeu

Léon Daudet, auteur, polémiste, essayiste, romancier, écrivain prolifique en un mot, Daudet avait coutume de dire lorsqu’on lui demandait comme il allait : «Je suis gros d’un livre.» Comme il avait l’embonpoint conséquent, on le croyait sans peine. Comme Daudet, je croirais volontiers être continuellement dans l’attente d’un heureux événement, avec la notable différence de n’avoir mis bas que bien rarement (quelques grossesses nerveuses m’y ont fait croire vainement, à plus d’une reprise). Voilà que ce livre-là, lui, n’a guère été l’objet d’une gestation, que c’est une sorte d’“enfant dans le dos” si l’on veut. Je le contemple avec étonnement et, somme toute, avec une tendresse particulière, — finalement, comme un enfant naturel perdu de vue, qu’on retrouve, qu’on découvre et dont on découvre qu’on a pour lui des trésors d’affection. Je n’aurais jamais eu l’idée d’un tel livre et lorsque mon éditeur, venu me voir à propos d’une affaire de briquet perdu et retrouvé, bonne entrée en matière, m’exposa son projet, — je le trouvai un peu saugrenu et complètement inattendu ; à la réflexion, je le jugeai envisageable et, très vite, bien plus que cela, jusqu’à ce qu’il devienne évident. Merci à un éditeur qui sait encore ce que c’est que le métier d’éditeur.

Je dirais de façon différente que ce livre est pour l’auteur, rien moins qu’une surprise complète, et que cette surprise complète, à la goûter comme il faut, s’avère aussi très heureuse. Voilà que se matérialise en un objet dont la durée est, pour ceux qui respectent le livre, de l’ordre paradoxal de l’existence sans fin, une aventure presque solitaire, vieille de presque vingt ans. C’est l’aventure de De defensa. Ce titre (de defensa) me fut suggéré par une relation, un avocat lettré dans le genre classique, qui suggéra, l’air un peu pompeux, ce terme qui signifie “à propos de la défense” en latin du bas-Empire, c’est-à-dire de la fin de l’Empire, de l’Empire décadent. (Manuel de Diéguez nous disait récemment ceci : « “defensa” n’est apparu que dans le latin tardif et n’a supplanté “defensio” qu’au IIIe siècle, avec Tertullien. Avec Cassiodore, quand les barbares seront là , on trouvera même “defensabilis” et “defensator”. Cela a un sens profond : car “defensio” évoquait la défense sur le terrain, d’une ville ou d’une place forte.“Defensa”, en revanche, évoque une défense générale, délocalisée et vague, au sens où nous disons aujourd’hui le Ministère de la défense – ce qui suggère qu’il n’y a plus que des guerres défensives et que l’on se trouve toujours d’avance sur la défensive. C’est qu’il était devenu inutile d’engager des guerres locales et offensives dans un siècle où le pourrissement des institutions et la dégradation des mœurs, parallèles à celles de l’esprit civique, rendait inappropriées les armées disciplinées d’autrefois. »)

... Au terme de ces presque-vingt ans, ces observations philologiques font bien les choses. Effectivement, nous sommes dans les très basses eaux de l’Empire, jamais Empire plus bas, moralement et le reste, que celui qui nous occupe.

Pour rendre compte courtement d’une période de travail longue et sans relâche, disons que le premier numéro régulier de de defensa date du 10 septembre 1985 ; que l’aventure est tentante pour qui veut être indépendant, car la formule newsletter, ou “lettre d’information” (mais de defensa est beaucoup mieux défini comme “lettre d’analyse”) est économiquement miraculeuse parce que d’un rapport économique imbattable : vous vendez pour une somme élevée (les abonnements sont en général coûteux) un “matériel” très peu coûteux à fabriquer ; l’essentiel est dans son contenu et tout est dans le crédit qu’on vous accorde. Au départ, la “lettre d’information”, c’est de l’histoire, et de la plus haute : on attribue la paternité de la formule au comte Grimm qui, installé à Paris, voulait informer l’Europe assoiffée d’informations parisiennes des progrès de la France des Lumières, notamment les progrès de la monumentale Encyclopédie de Diderot et D’Alembert. Sa lettre, La Correspondance littéraire, avait peu d’abonnés (moins de 50) mais la qualité suppléait la quantité, ce qui se comprend aisément lorsqu’on compte parmi ses destinataires Wolfgang Goethe, à Weimar. Grimm faisait des prix.

Le domaine de De defensa, c’est la grande politique des relations internationales, les grandes questions de sécurité. Le domaine a évolué. Il est devenu, disons, plus “humain”, dans l’emploi que fait la science de ce terme ; la culture, la psychologie, les communications et l’influence qu’elle dispense, au fond ce qu’on nomme aujourd’hui la soft power, et qui alimente ce que je désigne du mot de “virtualisme”, n’a cessé d’agrandir la place que ce domaine occupe dans l’équation du pouvoir et dans le déroulement de notre temps historique. Je crois que de defensa aujourd’hui n’a qu’un rapport lointain avec celui de septembre 1985, mais il reste des signes de parenté.

L’idée de ce livre Chronique de l’ébranlement, le “concept” comme il est dit fort niaisement aujourd’hui, est assez simple : c’est la crise née le 11 septembre 2001. Pourquoi ne pas rassembler en un volume, sous forme d’une seule chronique, les diverses chroniques parues tous les quinze jours, depuis septembre 2001 ? (La Lettre paraît les 10 et 25 de chaque mois, sauf le 25 décembre et du 10 juillet au 10 septembre, fort démocratiquement.) Le volume brut était imposant et, d’autre part, tous les sujets traités ne concernaient pas, directement ou indirectement, cette crise. Il a été procédé à une sélection, avec, conservés des chroniques initiales, les textes se rapportant plus précisément à cette crise du 11 septembre, ou 9/11 comme on la surnomme. La règle du jeu a été, dès le départ, que rien du fond et, pour l’essentiel, rien de la forme, ne devait être modifié ; c’est l’évidence en un sens, mais cette évidence est encore mieux à l’esprit en étant répétée. On trouvera donc des erreurs d’analyse, des erreurs de prévision. Elles constitueront en un sens une aussi bonne appréciation qu’une prévision ou une analyse, dans la mesure où elles montrent bien l’état des esprits, les déformations de la perception auxquelles forcent les événements, — bref, elles montrent la faillibilité du jugement et la relativité des affaires du monde.

On trouvera même, dans le cours du texte, des renvois à d’autres textes du numéro en cours, ou de numéros précédents, et que le lecteur ne retrouve pas dans la sélection. Là aussi, il y a le souci de la véracité, la volonté de mieux illustrer le matériel éditorial dont on peut disposer en suivant de defensa.

On doit ajouter qu’en rassemblant ainsi les éléments épars de ce livre, peut-être y avait-il de notre part, à mon éditeur et à moi-même, l’espoir sous-jacent que ce projet restituerait la fièvre d’une époque, l’angoisse, l’incompréhension, l’incertitude. Il faut très fortement espérer qu’on retrouve à la lecture de ces chroniques un ton général qui témoigne de la sensation, de l’émotion et de la compréhension approximative que tous ces événements depuis le 11 septembre 2002 suscitèrent, au fur et à mesure qu’ils se déroulèrent. Dans ce projet réalisé, il y a la conviction que l’époque, le “temps historique” que nous vivons, depuis le 11 septembre 2001, est une période de rupture fondamentale de l’histoire, et qu’il nous est donné de vivre cet événement en en mesurant exactement l’importance. Par sa forme de chronique, c’est-à-dire la référence à l’actualité autant que la tentative d’interpréter cette actualité en prenant les distances qui importent, de defensa témoigne de son époque, — de defensa est un témoin de son temps. J’espère que c’est un témoin précieux.

Enfin, le témoignage de De defensa est complété par un essai, qui est une tentative plus contrôlée, plus structurée de donner une appréciation générale de la crise qui nous frappe. Les références historiques y abondent parce que l’histoire, bien sûr, nous fait comprendre tout de nous-mêmes. (Même de telles lapalissades sont utiles à être rappelées, dans notre temps désolé.)

Philippe Grasset

Extrait

LA DISSONANCE INDISPENSABLE

(…)
Philippe Grasset a la chance de ne pas vivre à Paris mais à Bruxelles, en contact direct avec les bureaucraties célestes. Aussi peut-il faire fi des sottises qui paralysent l’intelligence et préemptent toute possibilité de débat sur le monde réel, qu’empêche toujours le tabou des mots et des attitudes. Notre analyste aux aguets peut être qualifié d’anti-américain heureux, optimiste, et résolument tourné vers l’avenir, c’est-à-dire vers une Europe tranquillement autonome.
(…)
Outre la richesse de l’information, l’ironie et la gaieté, on trouve dans ce bulletin périodique cette vertu de plus en plus rare de recul, dont nos medias tant écrits que visuels nous privent avec constance. Elle consiste à réinsérer l’actualité dans la longue durée, à éclairer, pour parler la langue des maîtres, les news par les trends. Dégager la logique historique à l’œuvre dans les flashs de dernière minute, tirer au jour la psychologie implicite de telle ou telle décision stratégique, est un exercice qui requière beaucoup de culture et de sang-froid, deux qualités dont ne manque pas notre guetteur électronique.
L’idée originale de Grasset, c’est le virtualisme comme apport spécifique de cette hégémonie sui generis qu’il appelle panaméricanisme. Reposant sur une formidable suprématie en matière de soft-power, l’auteur entend par là la capacité à remplacer la réalité objective du monde par l’illusion objectivée d’un monde taillé sur mesure, à la demande des besoins conjoncturels du Centre. Imposer sa subjectivité collective aux peuples étrangers, et faire prendre des vessies indigènes pour des lanternes planétaires – c’est l’exercice inhérent à toute domination impériale. Mais il est vrai que « l’Amérique » (continent qui compte, ne l’oublions pas, quelques trente pays qui ne sont pas « l’Amérique »), victime de ses prothèses technologiques et d’une confiance pour le moins excessive en leur toute-puissance, a élevé cette faculté traditionnelle à la hauteur d’une véritable infirmité nationale. Retournement de l’avance en handicap, et du gage de victoire-éclair en fatalité d’enlisement. Prétendre régenter l’univers extérieur en s’exemptant du soin d’enregistrer ce qu’il est, et ce pas quoi il diffère de ce que nous sommes nous-mêmes ou de ce que nous souhaiterions qu’il fût, - expose inévitablement à de graves déboires. C’est le malheur des souverainetés sans limite ou des pouvoirs sans contre-pouvoir.
Et quelle force opposer à cet autarcique aveuglement de soi par soi ? Un certain génie européen sans doute, mélange de désabusement et de circonspection, misant plus sur l’intelligence des autres que sur la puissance brute. Il arrive à la France, dans ses bons moments, de montrer la voie.
(…)
Pour ne pas couper le lien d’humanité qui permet de penser l’espèce comme un seul peuple. Qu’il faille, pour ce faire, résister à l’égotisme envahissant de l’Empire – qui peut encore en douter ? À cette résistance intellectuelle et morale, Philippe Grasset, par ses analyses aussi provocantes qu’éclairantes, apporte, chaque quinzaine, une contribution précieuse.
(…)

Régis Debray

Informations supplémentaires Auteur:

Collection: Autres Regards
Format: 160 x 240
Nombre de pages: 464
ISBN: 2-87402-056-7
Disponibilité (Electronique/papier): Livre papier
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